Depuis une dizaine d'années, Aurélien Débat mène une recherche graphique et ludique qui touche aussi bien à l’illustration, au design graphique, à l’architecture, par le biais d’images imprimées, de mises en volumes et la fabrication d’objets et de jeux. Il s'intéresse particulièrement aux systèmes de dessin et de construction modulaires ; son projet Tamponville, édité par Princeton Architectural Press sous le nom de Stampville, propose une série de pictogrammes de façades, de bâtiments et d’éléments urbains à tamponner, sorte d’alphabet graphique qui permet de construire des villes réelles ou imaginaires. Tampons Chantier, dessiné en 2011 est le point de départ de la collection de jouets dessinée pour Moulin Roty.
Cligne Cligne: Tes beaux jouets pour Moulin Roty arriveront dans les boutiques - et donc dans les chambres des enfants - cet automne, mais pour un projet comme le Grand Garage, combien de temps (et d’étapes) y-a-t-il entre les premières idées et l’objet manufacturé?
Aurélien Débat: C'est long ! Il y a eu un an et demi entre les premières esquisses et l'objet fini.
Pour ce projet-là j'ai commencé par faire une dizaine de maquettes pour travailler le volume et trouver le moyen de l'adapter aux contraintes d'usinage.
Le garage devait pouvoir se démonter pour être vendu à plat et nous devions utiliser des rampes en plastiques qui existaient déjà pour ne pas avoir à faire un nouveau moule. La partie la plus délicate concerne les échanges avec le fabricant: nous lui envoyons des plans ou des maquettes qu’il adapte a ses contraintes de fabrication et de sécurité puis nous renvoie un échantillon qui sert de base à la discussion. Pour définir le type de finitions, qualités et transparence des encres, ponçage, type de vernis, il peut y avoir pas mal d'aller-retours !
À un moment où ça bloquait un peu j'ai aussi réalisé une maquette en bois et envoyé des jouets trouvés dans le commerce pour donner des références de couleur ou de finitions…
Parfois, pour des histoire de fabrication ou de prix, ça bloque complètement ; la boite Tampons Chantier aura mis six ans avant de sortir !
Aurélien Débat: C'est long ! Il y a eu un an et demi entre les premières esquisses et l'objet fini.
Pour ce projet-là j'ai commencé par faire une dizaine de maquettes pour travailler le volume et trouver le moyen de l'adapter aux contraintes d'usinage.
Le garage devait pouvoir se démonter pour être vendu à plat et nous devions utiliser des rampes en plastiques qui existaient déjà pour ne pas avoir à faire un nouveau moule. La partie la plus délicate concerne les échanges avec le fabricant: nous lui envoyons des plans ou des maquettes qu’il adapte a ses contraintes de fabrication et de sécurité puis nous renvoie un échantillon qui sert de base à la discussion. Pour définir le type de finitions, qualités et transparence des encres, ponçage, type de vernis, il peut y avoir pas mal d'aller-retours !
À un moment où ça bloquait un peu j'ai aussi réalisé une maquette en bois et envoyé des jouets trouvés dans le commerce pour donner des références de couleur ou de finitions…
Parfois, pour des histoire de fabrication ou de prix, ça bloque complètement ; la boite Tampons Chantier aura mis six ans avant de sortir !
CC: Quand tu te lances dans la conception d’un jouet comme l’autobus, comment travailles-tu? Le dessin vient-il en premier, ou est-ce que tu travailles tout de suite la matière pour arriver à tes fins comme Kay Bojesen qui attaquait directement le bois pour penser les formes de ses jouets?
AD:Le réflexe du dessin vient assez automatiquement pour commencer à réfléchir mais c'est beaucoup plus facile de penser un objet directement en volume que d'utiliser des plans… Et, c'est aussi une des choses que j'ai apprises avec ces projets: il est plus facile de se faire comprendre par le fabricant avec un prototype ! Ensuite, on peut faire pas mal de choses avec une scie sauteuse et une perceuse et c'est assez agréable de laisser son ordinateur de côté et de travailler la matière.
Mes parents sont artisans et enfant, j'ai toujours eu un coin pour bricoler dans leur atelier, c'est peut-être quelque chose que j'essaie de retrouver.
Il y a d'ailleurs chez eux une scie à ruban que j'utilise souvent lorsque j'y passe et que j'espère bien emporter un jour !
Quand je n'ai pas les outils adéquats pour réaliser ce que je veux, il m'arrive aussi d'aller dans un atelier de construction à Marseille ou de travailler avec d’autres personnes. Ça me passionne d'aller à la rencontre d'autres métiers ; chez un ébéniste, un imprimeur, dans un atelier de gravure laser… découvrir et comprendre d'autres techniques d'impressions ou de fabrication amène aussi à essayer ou inventer plein de nouveaux jeux !
AD:Le réflexe du dessin vient assez automatiquement pour commencer à réfléchir mais c'est beaucoup plus facile de penser un objet directement en volume que d'utiliser des plans… Et, c'est aussi une des choses que j'ai apprises avec ces projets: il est plus facile de se faire comprendre par le fabricant avec un prototype ! Ensuite, on peut faire pas mal de choses avec une scie sauteuse et une perceuse et c'est assez agréable de laisser son ordinateur de côté et de travailler la matière.
Mes parents sont artisans et enfant, j'ai toujours eu un coin pour bricoler dans leur atelier, c'est peut-être quelque chose que j'essaie de retrouver.
Il y a d'ailleurs chez eux une scie à ruban que j'utilise souvent lorsque j'y passe et que j'espère bien emporter un jour !
Quand je n'ai pas les outils adéquats pour réaliser ce que je veux, il m'arrive aussi d'aller dans un atelier de construction à Marseille ou de travailler avec d’autres personnes. Ça me passionne d'aller à la rencontre d'autres métiers ; chez un ébéniste, un imprimeur, dans un atelier de gravure laser… découvrir et comprendre d'autres techniques d'impressions ou de fabrication amène aussi à essayer ou inventer plein de nouveaux jeux !
CC: La référence incontournable en matière de ville en bois, il me semble, est la Ville-usine de Ladislav Sutnar conçue dans les années 1920. Contrairement à toi, lui n’est jamais parvenu à la faire produire en série, ça fait quoi de réussir là où le maître à échoué?
AD: Hahaha, tu y vas fort ! quelle pression…
Le magnifique jeu de construction de Sutnar, Build the Town, m'avait servi de référence pour un autre projet où j'essayais de représenter la zone péri-urbaine. Comme si ces espaces périphériques, avec leurs hypermarchés «boites à chaussures» et pylônes électriques étaient un prolongement un peu ironique de sa ville usine. Pour Bloc Ville, j'aurais bien aimé travailler à partir du cube mais ça supposait beaucoup plus de bois et quatre ou six faces à sérigraphier ou peindre. C’était financièrement intenable et on comprend peut-être pourquoi Build the Town n'a jamais été produite.
Pour ce jeu, je me suis plus inspiré des jouets de construction des années 40-50, Johnnyville Blocks ou d'autres jeux populaires dont on ne connait souvent pas le nom du designer. Il existe des versions chinoises de ces jeux qui mélangent tout un tas de styles architecturaux de manière complètement anarchique, c'est très réjouissant !
Bloc Ville fonctionne comme une sorte de recto-verso de façades urbaines. Il y a plusieurs familles de typologies architecturales, on peut toutes les mélanger ou essayer de les rassembler par type (ou usages pour Mini Bloc Ville) mais si l'on retourne la construction, le bâtiment change complètement.
AD: Hahaha, tu y vas fort ! quelle pression…
Le magnifique jeu de construction de Sutnar, Build the Town, m'avait servi de référence pour un autre projet où j'essayais de représenter la zone péri-urbaine. Comme si ces espaces périphériques, avec leurs hypermarchés «boites à chaussures» et pylônes électriques étaient un prolongement un peu ironique de sa ville usine. Pour Bloc Ville, j'aurais bien aimé travailler à partir du cube mais ça supposait beaucoup plus de bois et quatre ou six faces à sérigraphier ou peindre. C’était financièrement intenable et on comprend peut-être pourquoi Build the Town n'a jamais été produite.
Pour ce jeu, je me suis plus inspiré des jouets de construction des années 40-50, Johnnyville Blocks ou d'autres jeux populaires dont on ne connait souvent pas le nom du designer. Il existe des versions chinoises de ces jeux qui mélangent tout un tas de styles architecturaux de manière complètement anarchique, c'est très réjouissant !
Bloc Ville fonctionne comme une sorte de recto-verso de façades urbaines. Il y a plusieurs familles de typologies architecturales, on peut toutes les mélanger ou essayer de les rassembler par type (ou usages pour Mini Bloc Ville) mais si l'on retourne la construction, le bâtiment change complètement.
CC: Grâce aux Tampons Chantier je vais enfin pouvoir tamponner et construire du Débat à go-go! Cette idée de construire des images avec un vocabulaire limité de formes tamponnées, ça vient de tes affiches pour le théâtre de Chateauvallon réalisées en 2013 avec l’atelier Patrick Lindsay? Ou c’est une obsession plus profonde?
AD: Au départ, ces systèmes de jeux ou d'écritures modulaires étaient surtout conçus pour mon usage personnel. J'avais fait des dessins préparatoires pour un livre jeunesse sur le chantier ; des machines de chantier, des tas de sable et des traces de roues qui formaient un ensemble presque abstrait et que j'ai eu envie de décliner. Un peu par paresse, j'ai pensé aux tampons qui allaient me permettre de reproduire ces formes facilement et me concentrer sur la composition. Puis je me suis prêté au jeu de déconstruire ces engins de chantier pour n'obtenir plus que des formes simples et combinables, comme un meccano en deux dimensions. Mais si ce principe modulaire permet de construire des images de machines de BTP, on peut aussi le détourner pour en faire plein de choses !
C’est sur ce principe que Patrick Lindsay m'a proposé de travailler avec lui pour la Scène Nationale de Châteauvallon. Nous travaillons toujours avec ce théâtre et depuis 2012 nous avons fait des alphabets de formes en tampons, polystyrène, céramique… Si dans ce cas précis, ces outils nous servent à trouver un terrain commun qui nous permette à tout les deux de créer des images pour le théâtre, je me rends compte que pour moi, l'outil compte presque plus que le résultat !
Pour Tamponville par exemple, j’ai utilisé l’alphabet graphique que j’avais dessiné pour représenter une série d’architectures mais l’intérêt était surtout de permettre aux autres de s’approprier ce langage. Cela implique aussi que je me considère à égal avec les participants dans l’utilisation de ces outils ; lors de l'exposition de Tamponville, tous les dessins au tampon, ceux du public et les miens étaient exposés de la même manière. Finalement le résultat importe peu et l’idée est plus de donner envie de manipuler des formes, des couleurs.
AD: Au départ, ces systèmes de jeux ou d'écritures modulaires étaient surtout conçus pour mon usage personnel. J'avais fait des dessins préparatoires pour un livre jeunesse sur le chantier ; des machines de chantier, des tas de sable et des traces de roues qui formaient un ensemble presque abstrait et que j'ai eu envie de décliner. Un peu par paresse, j'ai pensé aux tampons qui allaient me permettre de reproduire ces formes facilement et me concentrer sur la composition. Puis je me suis prêté au jeu de déconstruire ces engins de chantier pour n'obtenir plus que des formes simples et combinables, comme un meccano en deux dimensions. Mais si ce principe modulaire permet de construire des images de machines de BTP, on peut aussi le détourner pour en faire plein de choses !
C’est sur ce principe que Patrick Lindsay m'a proposé de travailler avec lui pour la Scène Nationale de Châteauvallon. Nous travaillons toujours avec ce théâtre et depuis 2012 nous avons fait des alphabets de formes en tampons, polystyrène, céramique… Si dans ce cas précis, ces outils nous servent à trouver un terrain commun qui nous permette à tout les deux de créer des images pour le théâtre, je me rends compte que pour moi, l'outil compte presque plus que le résultat !
Pour Tamponville par exemple, j’ai utilisé l’alphabet graphique que j’avais dessiné pour représenter une série d’architectures mais l’intérêt était surtout de permettre aux autres de s’approprier ce langage. Cela implique aussi que je me considère à égal avec les participants dans l’utilisation de ces outils ; lors de l'exposition de Tamponville, tous les dessins au tampon, ceux du public et les miens étaient exposés de la même manière. Finalement le résultat importe peu et l’idée est plus de donner envie de manipuler des formes, des couleurs.
CC: Les objets sont très soignés, les cubes par exemple sont sérigraphiés sur deux faces, les boîtes et les images aussi sont magnifiques (on pourrait n’acheter les boîtes que pour les affichettes). C’est toi qui a conçu les emballages?
AD: Quand j'achète un jouet ou un livre, au-delà de ce qu'il contient ou même de l'esthétique de la couverture, je trouve que c'est la relation entre son emballage et son contenu qui en font un objet. Tout a son importance ; le format, le poids, le prix et le contenu ainsi que la manière de l'organiser sont en relation. Il était important pour moi de travailler sur l'ensemble !
J'ai la chance de collaborer avec un éditeur attentif à ces notions et à la qualité de fabrication. J'ai pu travailler en tons directs pour les boites et avoir un réel échange sur le rapport entre le contenu et le contenant.
Par exemple, l'une des techniques marketing dans l'édition (et les paquets de céréales) est de trouver des moyens d'agrandir le contenant pour occuper de l'espace en boutique ou pour justifier le prix d'un objet : plus c'est cher, plus ça doit être grand.
Il me semble que personne n'est dupe mais ça reste une méthode très ancrée ! Dans cette logique, le réflexe est de placer les encriers dans une cale, sur le même plan que les tampons pour gagner de l'espace. Mais ce sont des consommables, il vont s'user et on va devoir les remplacer par d'autres qui n'auront pas le même format. Ils ne caleront plus les tampons qui iront se balader dans la boite... et c'est le jeu tout entier qui devient un consommable !
Du coup, je trouve plutôt courageux de la part de Moulin Roty d'avoir accepté de séparer les encriers et les tampons. Les boites sont plus petites mais un peu plus épaisses et compactes. Une fois que les consommables sont usés, on peut les remplacer, ça ne change pas le rangement du jeu qui peut ainsi continuer à vivre sa vie.
AD: Quand j'achète un jouet ou un livre, au-delà de ce qu'il contient ou même de l'esthétique de la couverture, je trouve que c'est la relation entre son emballage et son contenu qui en font un objet. Tout a son importance ; le format, le poids, le prix et le contenu ainsi que la manière de l'organiser sont en relation. Il était important pour moi de travailler sur l'ensemble !
J'ai la chance de collaborer avec un éditeur attentif à ces notions et à la qualité de fabrication. J'ai pu travailler en tons directs pour les boites et avoir un réel échange sur le rapport entre le contenu et le contenant.
Par exemple, l'une des techniques marketing dans l'édition (et les paquets de céréales) est de trouver des moyens d'agrandir le contenant pour occuper de l'espace en boutique ou pour justifier le prix d'un objet : plus c'est cher, plus ça doit être grand.
Il me semble que personne n'est dupe mais ça reste une méthode très ancrée ! Dans cette logique, le réflexe est de placer les encriers dans une cale, sur le même plan que les tampons pour gagner de l'espace. Mais ce sont des consommables, il vont s'user et on va devoir les remplacer par d'autres qui n'auront pas le même format. Ils ne caleront plus les tampons qui iront se balader dans la boite... et c'est le jeu tout entier qui devient un consommable !
Du coup, je trouve plutôt courageux de la part de Moulin Roty d'avoir accepté de séparer les encriers et les tampons. Les boites sont plus petites mais un peu plus épaisses et compactes. Une fois que les consommables sont usés, on peut les remplacer, ça ne change pas le rangement du jeu qui peut ainsi continuer à vivre sa vie.
CC: Ces dernières années ton travail s’est beaucoup ouvert au volume à travers des installations et des objets, qu’est-ce que tu y trouves de plus qu’à l’image imprimée?
AD: J'ai l'impression que tout fonctionne ensemble, un projet en dessin va souvent se prolonger en volume et vice-versa. Entre la réalité que j'essaie de représenter, ce que je vois et mon dessin, il y a un monde ! Rajouter une étape supplémentaire avec le volume amène encore plus de déformations ou accidents que je trouve intéressants.
Et puis il y a une envie de décloisonner les pratiques. Je suis fasciné par des artistes qui n'ont pas de hiérarchie entre les différents territoires de l'art et qui peuvent passer de la peinture à l'illustration, au graphisme, à la scénographie, au design… Toutes ces pratiques peuvent se nourrir les unes les autres.
AD: J'ai l'impression que tout fonctionne ensemble, un projet en dessin va souvent se prolonger en volume et vice-versa. Entre la réalité que j'essaie de représenter, ce que je vois et mon dessin, il y a un monde ! Rajouter une étape supplémentaire avec le volume amène encore plus de déformations ou accidents que je trouve intéressants.
Et puis il y a une envie de décloisonner les pratiques. Je suis fasciné par des artistes qui n'ont pas de hiérarchie entre les différents territoires de l'art et qui peuvent passer de la peinture à l'illustration, au graphisme, à la scénographie, au design… Toutes ces pratiques peuvent se nourrir les unes les autres.
CC: Quand on conçoit des jouets comme ceux-ci, on pense forcément à l’usage qu’en feront les enfants. Les choix de formes, de couleurs, de thèmes sont faits en projetant l’usage qui en sera fait. C’était la façon de travailler du Père Castor pour les albums qui ont paru chez Flammarion. En revanche certaines de tes créations plastiques - je pense au livre Lignes d’horizon pour n’en citer qu’une - sont beaucoup plus détachées de leur réception. Est-ce que c’est un équilibre important dans l’ensemble de ton œuvre?
AD: Je ne sais pas si je me pose réellement la question de l’usage qui va en être fait… Pour des jouets il y a forcément quelques contraintes d’utilisation ou de sécurité mais je ne pense pas plus au lecteur ou à l’utilisateur que pour un fanzine comme Lignes d’horizon. Je pense davantage que cette question du jeu (ou de l’outil) est au cœur de ma pratique et que c’est plutôt pour cette raison que je me retrouve à publier mes projets chez un éditeur de jouets !
Je fabrique régulièrement des outils de dessin, des normographes par exemple, et si parfois le jeu ou l’outil ne concernent que moi-même et ne sont pas le sujet même du projet, le jeu reste le moteur principal du processus de création.
C’est assez excitant de comprendre qu’on peut construire des images comme on assemble des briques Lego, ou penser une installation de la même manière qu’on ferait une cabane en forêt. Je préfère des choses plus fragiles ou minimalistes qui invitent à créer par soi-même plutôt qu'une œuvre virtuose qui met le spectateur à distance et qui participe à l'idée que l'artiste aurait une sorte de « don ».
AD: Je ne sais pas si je me pose réellement la question de l’usage qui va en être fait… Pour des jouets il y a forcément quelques contraintes d’utilisation ou de sécurité mais je ne pense pas plus au lecteur ou à l’utilisateur que pour un fanzine comme Lignes d’horizon. Je pense davantage que cette question du jeu (ou de l’outil) est au cœur de ma pratique et que c’est plutôt pour cette raison que je me retrouve à publier mes projets chez un éditeur de jouets !
Je fabrique régulièrement des outils de dessin, des normographes par exemple, et si parfois le jeu ou l’outil ne concernent que moi-même et ne sont pas le sujet même du projet, le jeu reste le moteur principal du processus de création.
C’est assez excitant de comprendre qu’on peut construire des images comme on assemble des briques Lego, ou penser une installation de la même manière qu’on ferait une cabane en forêt. Je préfère des choses plus fragiles ou minimalistes qui invitent à créer par soi-même plutôt qu'une œuvre virtuose qui met le spectateur à distance et qui participe à l'idée que l'artiste aurait une sorte de « don ».
CC: Mettre du vert était un choix dès le départ ou c’est pour des raisons pratiques que tu as trahi Mondrian?
AD: La gamme de couleur restreinte que j'utilise dans ces projets vient au départ des encres à tampons administratifs que l'on trouve un peu partout dans le commerce ; bleu, rouge et vert. J'ai rajouté du jaune pour créer plus de combinaisons. Mais l'impression en quadrichromie que l'on croise un peu partout, ce n'est jamais que quatre couleurs ! En faisant varier les valeurs ou tailles de trames et en les combinant, on en obtient plein d'autres… c'est l'un des nombreux jeux que l'on peut rencontrer en design graphique et que j'ai eu envie de laisser apparent, de partager.
La grille que l'on retrouve sur toutes les boites correspond aux découpes des embases en bois des tampons ou aux modules des cubes. Les modules représentés sont des signes, comme les lettres d'un alphabet, on peut les assembler pour construire des mots ou des images. La grille évoque une casse typographique, le casier en bois dont se servaient les imprimeurs pour ranger les caractères en plomb. Et puis l'on parle de construction dans ces jeux, au sens propre comme au sens figuré ; construire de la ville avec des cubes ou construire des images avec les tampons. La grille fait aussi référence au cartouche utilisé dans les plans en architecture.
AD: La gamme de couleur restreinte que j'utilise dans ces projets vient au départ des encres à tampons administratifs que l'on trouve un peu partout dans le commerce ; bleu, rouge et vert. J'ai rajouté du jaune pour créer plus de combinaisons. Mais l'impression en quadrichromie que l'on croise un peu partout, ce n'est jamais que quatre couleurs ! En faisant varier les valeurs ou tailles de trames et en les combinant, on en obtient plein d'autres… c'est l'un des nombreux jeux que l'on peut rencontrer en design graphique et que j'ai eu envie de laisser apparent, de partager.
La grille que l'on retrouve sur toutes les boites correspond aux découpes des embases en bois des tampons ou aux modules des cubes. Les modules représentés sont des signes, comme les lettres d'un alphabet, on peut les assembler pour construire des mots ou des images. La grille évoque une casse typographique, le casier en bois dont se servaient les imprimeurs pour ranger les caractères en plomb. Et puis l'on parle de construction dans ces jeux, au sens propre comme au sens figuré ; construire de la ville avec des cubes ou construire des images avec les tampons. La grille fait aussi référence au cartouche utilisé dans les plans en architecture.
CC: Comment expliques-tu l’intérêt toujours manifeste porté au travail de Friedrich Fröbel? Le mec avait raison sur tout ou c’est nous n’avons pas changé de vision de l’enfant presque deux siècles plus tard?
AD: Il est beaucoup question d’auto-apprentissage dans ses principes pédagogiques. Ca me fait penser aux écoles Reggio Emilia en Italie : des jardins d’enfants qui tournent autour d’un atelier dans lequel un artiste est en résidence. Pas de sujets de travail, pas de consignes mais les enfants ont un accès libre et permanent à l’atelier pour venir y travailler sur leurs projets personnels, expérimenter, chercher… Je parlais tout à l’heure de l’atelier de mes parents, Il est assez important ce coin d'atelier pour moi, c'est aussi quelque chose que j'ai pu trouver en école d’art ; laisser des outils et du savoir à disposition pour que l'utilisateur puisse développer ses propres projets.
J’apprécie aussi beaucoup le travail de Fredun Shapur, il beaucoup influencé ces projets pour Moulin Roty ; j’essaye de travailler avec des formes très simples qu’on pourrait presque reproduire soi-même et avec un minimum d’éléments genrés ou personnalisés pour laisser une grande part d'interprétation et d'imagination à l’enfant.
AD: Il est beaucoup question d’auto-apprentissage dans ses principes pédagogiques. Ca me fait penser aux écoles Reggio Emilia en Italie : des jardins d’enfants qui tournent autour d’un atelier dans lequel un artiste est en résidence. Pas de sujets de travail, pas de consignes mais les enfants ont un accès libre et permanent à l’atelier pour venir y travailler sur leurs projets personnels, expérimenter, chercher… Je parlais tout à l’heure de l’atelier de mes parents, Il est assez important ce coin d'atelier pour moi, c'est aussi quelque chose que j'ai pu trouver en école d’art ; laisser des outils et du savoir à disposition pour que l'utilisateur puisse développer ses propres projets.
J’apprécie aussi beaucoup le travail de Fredun Shapur, il beaucoup influencé ces projets pour Moulin Roty ; j’essaye de travailler avec des formes très simples qu’on pourrait presque reproduire soi-même et avec un minimum d’éléments genrés ou personnalisés pour laisser une grande part d'interprétation et d'imagination à l’enfant.